À la conquête de l’espace perdu
Ouvrir les pièces, libérer les circulations, repousser les horizons physiques, parfois la rénovation relèverait presque de la magie. Retour sur un enchantement réalisé avec brio par le duo Maéma Architectes.
(Dé)faire le mur
Quand les murs ne peuvent pas être repoussés, pourquoi ne pas les couper en deux ? Cette idée « out of the box » a permis à Rachel Marcus et Nicolas Aubert – Maguéro de libérer l’âme d’une pièce à vivre, auparavant prisonnière d’espaces exigus et murés. De trois entités distinctes et égoïstes qui n’étaient presque que des surfaces, les magiciens du design d’espace ont fait une seule et même aire de vie. Une renaissance pour le foyer. Le rez-de-chaussée de cet appartement familial a donc vu naitre un salon à la fonctionnalité transversale sur les vestiges d’un coin télé, d’une salle de bain un peu perdue et d’une cuisine étroite. Ainsi au lieu d’abattre les deux cloisons séparant les trois pièces, les architectes ont conservé deux demi-murs qui circonscrivent physiquement mais subtilement le rôle de chaque espace. De cette manière, la nouvelle pièce à vivre garde une ossature spatiale tout en se débarrassant des clivages visuels que représentaient les anciens murs.
Bye bye la salle de bain, bonjour le bureau supplémentaire
Un des plus gros ouvrages de cette réhabilitation d’intérieur était surement l’annulation de la salle de bain du bas qui trônait au fond de la pièce mais été dépourvu de lumière. Il a été décidé que la pièce d’eau rejoigne l’étage supérieur après une réflexion d’ensemble sur l’harmonisation des pièces. Ce déplacement a permis à la famille de redéfinir le juste usage de chaque étage. La pièce du bas s’engage dans une démarche de partage et de bien-être mutuel alors que l’étage, ses deux salles de bain et ses chambres appartiennent à l’intimité et au besoin de séparation que peuvent éprouver chaque membre de la famille. La neutralité du « nouvel » espace permet une réelle flexibilité d’utilisation. Seule une table massive surplombée d’un lustre moderne Daniel Gallo domine les quelques m2. C’est bien cette table qui assure les rôles piliers pour la tribu : le partage d’un repas en famille, la réception des invités, la possibilité de travailler ou d’aider les enfants à faire les devoirs. Cette table est ainsi un outil nécessaire aux retrouvailles quotidiennes et au bien – vivre de chacun. De plus son positionnement proche des fenêtres et porte-fenêtre lui administre une lumière naturelle vitale et fondamentale pour le confort et la quiétude de la famille.
Et la lumière fut
La conséquence de la (demie) chute des murs s’observe littéralement, elle se voit. Les demi-murs signent la nouvelle ligne d’horizon de la pièce : il n’est pas possible de voir la télévision cachée par le demi-mur quand nous sommes dans la cuisine et inversement. Mais au-delà de ces « boites noires » visuelles, la lumière comme le regard ne connaît plus d’obstacle pour se poser. La pièce est complètement baignée d’une lumière naturelle venant tout droit des hautes fenêtres et portes-fenêtres attenantes à la pièce. La perte de matière au profit de lumière offre à ce salon une toute nouvelle perspective dimensionnelle. Les hauteurs paraissent comme allongées par effet d’optique (ou par magie). Le salon peut maintenant remplir son rôle d’hôte et accueillir la lumière, l’air et donc la vie. Ce nouvel agencement participe à la création d’une nouvelle convivialité mais il est aussi exigeant. En effet, désormais les activités de chacun dans cette seule et unique pièce sont « à l’air libre » ainsi qu’à la portée de tous.
Libre circulation sur le territoire familial
Aussi est-ce important d’envisager une rénovation ou un réagencement comme une nouvelle dynamique, changeant directement les interactions familiales. La demi-suppression des murs facilite ainsi la communication. Il devient plus simple de se parler, les éclats de rire sont certainement plus communicatifs et les questions ne restent pas longtemps sans réponse. Visuellement aussi, la donne est changée. Il suffit d’un échange de regard pour comprendre les préoccupations de l’autre. La redéfinition de la pièce à vivre est donc salvatrice : la réduction des obstacles physiques a érigé des ponts entre chaque membre de la famille. La circulation dans les différents espaces est dorénavant fluidifiée. L’air n’est plus confiné dans chaque partie de la pièce. Un souffle vital anime la pièce à vivre – qui n’a jamais porté aussi bien son nom d’ailleurs. Ainsi chaque membre de la famille peut faire son propre chemin en choisissant de rejoindre l’un sur le canapé ou de quitter l’autre dans la cuisine. L’agencement hébergeant la lumière offre une nouvelle respiration à la famille qui investit le lieu, se projette et garde les idées claires. Dans cet environnement propice au dialogue, l’énergie se veut chaleureuse et restauratrice..
Le cas de l’escalier
Au delà des interactions, la rénovation de l’appartement doit surtout répondre à des problématiques de praticité. L’escalier joignant le rez-de-chaussée au premier étage de ce duplex parisien en témoigne. Auparavant difficilement employable car mal orienté, l’escalier fut changé et agrémenté d’une estrade renfermant des tiroirs. Toujours dans le but d’aérer et de désencombrer le terrain de jeux et de vie commun à la famille, l’ancien escalier laisse place à un escalier hélicoïdal (colimaçon) aéré de style industriel. Sa composition légère et sa couleur assortie aux murs adjacents fondent parfaitement la structure dans l’environnement. Seules les marches de bois semblent flotter dans l’air donnant une incroyable impression de grâce. Cette jonction entre le bas et le haut de l’appartement apporte de la hauteur à la pièce. Grâce à ses barrières blanches verticales, l’escalier paraît comme étiré dans l’espace. Ainsi comme pour l’ensemble de l’appartement, la rénovation a permis de sublimer et de recréer ce lien que symbolise l’escalier entre rez-de-chaussée et premier étage, entre la pièce de vie commune et les chambres intimes supérieures. Il accompagne pleinement la circulation de la famille dans son environnement.
Chaque chose à sa place
Un détail qui n’est pourtant pas anecdotique dans cette réalisation, c’est bien la conception et l’emplacement réservé aux rangements. A partir de la volonté globale de désencombrer l’espace pour réserver le maximum d’amplitude à la vie commune et au partage, les rangements se doivent d’être stratégiquement placés. Les rendre accessibles mais dans un temps parallèle, permettre à la famille de les oublier. Les rangements prennent donc plusieurs aspects. Dans la cuisine blanche et laquée, les bocaux, conserves, épices et ustensiles sont invisibles car bien cachés dans des placards. Dans le coin télévision ou bibliothèque, les étagères portent les bibelots. Mais dans la salle de bain, les rangements prennent la forme de niches. Un concept intéressant qui convient parfaitement au désir de « pousser les murs », ayant motivé la rénovation. Ainsi on joue sur le plan dimensionnel. Au lieu d’ajouter de la matière sur les murs en créant des étagères et des tiroirs, on continue de désencombrer quitte à « creuser » l’espace existant pour dessiner des niches qui accueilleront objets de décoration et produits de bain.
Salle commune et identité individuelle
Dans un espace comme le salon – ayant subi un décloisonnement – peintures et décoration ne relèvent pas seulement de l’aspect ornemental mais de la nécessité de délimiter visuellement l’identité de chaque coin. La cuisine a son propre caractère : des carreaux Winckelmans d’une nuance Cognac nostalgique contrastent avec la modernité mordante et immaculée des placards. Sous la grande table, des carreaux de ciment offre une mélodie contemporaine à l’espace dans des tons noir, blanc et cyan pénétrant. Du coté du coin distraction, la chaleur est au rendez-vous : le cuir bordeaux du canapé et les coussins de couleur fraise fraiche donnent le ton. Ce joyeux kaléidoscope reste cependant harmonisé par des couleurs « leaders ». Les demi-murs sont tous deux peints dans un « baby blue » qui leur permet de se répondre visuellement. Les étagères qui courent sur le mur des fenêtres rayonnent de ce même bleu souligné d’un jaune tournesol très énergisant. Ces deux nuances ponctuent ainsi tout l’univers du lieu tout en laissant la possibilité à la cuisine, au salon et au recoin télé de marquer leur empreinte.
À suivre
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